L'indivision est une situation juridique où plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur un même bien ou sur une même masse de biens. Ainsi, le régime de l'indivision ne peut s'appliquer entre le nu-propriétaire et l'usufruitier car ils ne sont pas titulaires de droits de même nature.
Toutefois, du fait de sa complexité et de sa gestion difficile, l'indivision est considérée comme une situation précaire et temporaire. Elle se conclue donc inévitablement par un partage.
Cependant, avant que le partage n'intervienne, il se peut que l'un des indivisaires ait la jouissance exclusive du bien indivis (généralement il s'agira d'un bien immobilier, comme une maison ou un appartement). Dans ce cas, il sera redevable d'une indemnité d'occupation, et ce, même s'il n'occupe pas les lieux de manière effective. Il faut, néanmoins, que cette jouissance soit exclusive, c'est à dire qu'elle exclut le même usage ou une occupation semblable du bien par les coïndivisaires.
A l'inverse, si un indivisaire n'occupe qu'une partie d'un immeuble indivis, laissant la possibilité à ses coïndivisaires d'occuper la partie restée vacante, il n'y a pas lieu au paiement de l'indemnité d'occupation car la jouissance n'est pas exclusive. En effet, les coïndivisaires peuvent avoir un occupation semblable du bien dans la partie inoccupée.
Toutefois, bien que la notion de jouissance exclusive soit relativement aisée à comprendre, de nombreuses questions se posent quant à l'indemnité d'occupation.
Cette indemnité vient compenser la perte des fruits et revenus que subi l'indivision, du fait de cette occupation. Pour un appartement, par exemple, les fruits et revenus sont les loyers. En effet, les fruits et revenus du bien indivis occupé sont la propriété exclusive du coïndivisaire qui en a la jouissance. Ils ne sont donc pas versés à l'indivision. L'indemnité d'occupation vient donc rééquilibrer la balance. Il est à noter que cette indemnité, étant assimilée à un revenu, est versée à l'indivision et non pas à chaque coïndivisaire. Le partage se fera par la suite, en fonction de la part que chacun possède dans l'indivision.
Cette assimilation aux fruits et revenus commande donc le régime de cette indemnité, notamment en ce qui concerne la prescription. En effet, l'action en paiement de l'indemnité d'occupation est prescrite par cinq ans, en vertu de l'article 815-10 alinéa 3 du Code Civil. Cela signifie que même si un indivisaire occupe un bien indivis depuis plus de cinq ans mais qu'aucun paiement ne lui a été demandé, lorsque l'indemnité sera réclamée elle ne pourra l'être que pour les cinq dernières années. Cependant, le délai de prescription peut-être conventionnellement modifié, les indivisaires pouvant se mettre d'accord, par contrat, pour une durée plus longue, par exemple.
Bien qu'en principe, la jouissance exclusive d'un bien indivis entraine le paiement d'une indemnité d'occupation, il y a certaines situations où cela n'est pas le cas.
Le paiement ne sera pas du lorsque la jouissance se fonde sur un titre différent. C'est le cas, par exemple, pour le conjoint survivant qui se voit léguer l'usufruit de tous les biens successoraux. Il aura donc l'usufruit des biens indivis, ce qui signifie qu'il pourra jouir des biens en toute liberté, sans avoir à payer d'indemnité d'occupation, dans la mesure où il a hérité de ce droit. Il en vas de même pour l'époux en instance de divorce qui bénéficie du droit de jouissance de l'appartement du fait des devoirs du mariage dont l'autre est encore débiteur. Enfin, les coïndivisaires peuvent s'entendre pour que l'un d'eux jouisse seul et de manière exclusive d'un bien indivis, sans qu'une indemnité n'ait à être versée à l'indivision.
En principe, dès le début de la jouissance exclusive, l'indemnité est due. Ce sera, par exemple, le jour où un indivisaire à emménagé dans une maison appartenant à l'indivision. Toutefois, du fait de la prescription quinquennale, le point de départ peut être décalé, de telle sorte que l'indemnité ne sera due que pour les cinq années précédant la demande de paiement de l'indemnité d'occupation.
Si elle est due entre des époux en instance de divorce, le point de départ est, sauf exceptions, le jour où le bien n'est plus considéré comme étant à l'usage commun des époux.
Si l'indemnité d'occupation est due, le juge fixera son montant, à moins que les parties ne se soient préalablement mises d'accord. Si l'occupant a amélioré l'état du bien à ses frais, en y faisant différents travaux par exemple, l'indemnité sera calculée en fonction de l'état du bien amélioré. Par la suite, l'indivisaire pourra faire valoir son droit à être indemnisé pour tout ce qu'il a payé et qui aurait du l'être en principe par le propriétaire du bien, c'est-à -dire l'indivision.
L'indemnité d'occupation étant assimilée à un revenus indivis, chaque indivisaire est en droit de réclamer sa part annuelle dans les bénéfices ; ces derniers devant comprendre les bénéfices tirés de l'occupation du bien indivis, c'est-à -dire l'indemnité d'occupation . De ce fait, cette indemnité doit faire l'objet de paiements périodiques. De même qu'un loyer est payé tous les mois, l'indemnité doit être payée à intervalle régulier. Toutefois, si le paiement n'est réclamé qu'à l'occasion du partage, le paiement serait du dans sa totalité, mais dans la limite des cinq années antérieures, conformément à la prescription quinquennale.
Si un des indivisaires bénéficie de la jouissance exclusive d'un bien indivis, sans avoir préalablement recueilli l'accord des autres indivisaires, son occupation est considérée comme étant illégitime. Ses coïndivisaires sont alors en droit de saisir le juge pour qu'une indemnité d'occupation soit fixée. En effet, ce comportement revient à ne pas jouir du bien « dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ». L'indivisaire, ayant jouit du bien de manière exclusive durant une certaine période, bien que n'en ayant pas informé les autres indivisaires, est redevable de l'indemnité d'occupation correspondant à la durée pendant laquelle il a occupé le bien indivis.
Chaque indivisaire n'étant pas propriétaire des biens indivis mais seulement d'une quote-part dans l'indivision, il semble normale qu'une jouissance privative d'un des biens composant cette indivision entraine le paiement d'un indemnité d'occupation. En effet, c'est l'indivision qui est propriétaire du bien, l'indivisaire occupant ce bien jouant le rôle d'un locataire. De plus, avant le partage de l'indivision, personne ne peut savoir qui possédera le bien occupé. Il se peut que l'indivisaire occupant se voit attribuer un autre bien ou un lot dont la valeur est inférieure à celle du bien occupé. Dès lors, il est logique, et judicieux, que l'indemnité d'occupation soit versée à l'indivision, ne serait-ce que pour équilibrer le partage.
Par Sabah Battis intervenant pour Information-juridique.com