Est-ce que la sanction forfaitaire de l’article L.8223-1 du Code du Travail, prévoyant une indemnité égale à 6 mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail avec un travailleur dissimulé, est constitutive d’une peine ou d’une indemnité ?
Confrontée à cette interrogation, la Cour d’appel d’Amiens du 13 octobre 2010 a préféré la soumettre via le filtre de la Cour de Cassation au contrôle du Conseil Constitutionnel, via la nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Aussi, la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 janvier 2011 a reconnu le caractère sérieux de la question soulevée et admet donc la possibilité pour le juge constitutionnel son examen.
Aussi, nous analyserons successivement d’une part, l’argument soulevé en faveur de la qualification de peine et d’autre part, la solution qui pourra être retenue par le Conseil.
Avant toute analyse de l’argumentation soulevée devant la Cour d’appel, il conviendra d’étudier brièvement la notion de peine.
Une peine peut être défini au regard de deux éléments :
L’enjeu primordial est d’établir l’inconstitutionnalité de cette disposition au motif qu’elle est contraire aux principes d’individualisation et de personnalité des peines. En effet, le caractère forfaitaire, par nature non-modulable, de la sanction est contraire aux principes à valeur constitutionnelle, reconnu par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 selon laquelle, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ». En conséquence, en infligeant des sanctions forfaitaires, le législateur, et ce quel que soit la matière concernée, risquerait de se voir retoquer. D’autant, que le Conseil applique ce principe à toute sanction ayant le caractère d’une punition (C.const. 13/08/1993).
Aussi, plus illusoire, on pourrait défendre le fait que la qualification d’indemnité au sens du droit du travail a un caractère strict. Par exemple, sont admis au titre d’indemnité : indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de congés payés, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement abusif…
Comme précédemment, un rappel de la notion d’indemnité nous permettra de comprendre les solutions jurisprudentielles actuelles pour ensuite poser une solution.
Au sens strict, une indemnité peut être définie comme une somme d’argent destinée à réparer un préjudice. Aussi, est-ce que les six de salaires qui doivent être versés par l’employeur visent à réparer le préjudice du salarié ?
D’abord, on peut estimer légitiment que l’article L.8223-1 du Code du travail a une fonction réparatrice de par la possibilité de recourir à une sanction pénale prévue par l’article L.8224-1 qui puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45000€ d’amende le travail dissimulé. De plus, la jurisprudence a pu admettre que les deux articles pouvaient être mis en œuvre de façon dissociée. En effet, les six mois de salaires sont dus sans nécessité d’une condamnation pénale préalable de l’employeur (soc. 15/10/2002).
Ensuite, la Cour de Cassation n’admet pas le cumul de cette « sanction » avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (soc. 24/02/2009). Pourquoi ? Une solution pourrait être que ces deux indemnités visent à répondre au même objet, qu’est la réparation du préjudice née de la perte de l’emploi par le salarié ici « dissimulé ». Aussi, visant à répondre au même objet, l’indemnité de L.8223-1 prendra la même forme juridique que l’indemnité de licenciement qui a la forme de dommages et intérêts.
Enfin, la Cour de Cassation a pu affirmer, dans un arrêt du 20 février 2008, le caractère indemnitaire des six mois de salaires, de par l’absence de soumission à cotisation sociale.
En conclusion, le Conseil Constitutionnel devra admettre la nature indemnitaire de l’article L.8223-1 du Code du travail au sens de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation.
Article rédigé par Mlle. Mourot pour Information-juridique.com