La réforme de la médecine du travail est au cœur des discussions depuis plusieurs années. La loi portant réforme des retraites contenait déjà des dispositions sur les services de santé au travail, mais celles-ci ont été censurées par le Conseil Constitutionnel, le 9 décembre 2010, considérant qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif » et que « ces dispositions ne présentaient pas de lien, même indirect avec celles qui figuraient dans le projet de loi ». Ainsi, les sénateurs renouvellent leur volonté d’améliorer la prévention et de pallier la pénurie de médecins du travail par la proposition de loi adoptée le 27 janvier 2011.
Ils partent ainsi d’un constat qu’il n’y a en France que 6500 médecins du travail (dont trois quarts ont plus de 50 ans) pour suivre 16 millions de salarié du privé. Cela conduit alors certains médecins à avoir en charge une centaine d’entreprises à la fois.
Fort de ces éléments, il convient d’opérer une approche critique de cette proposition sur les divers éléments de la réforme, dont les syndicats et les médecins eux même s’étaient déjà mobilisés contre cette réforme, introduite « en catimini ».
Un renforcement des fonctions :
Par le nouvel article L.4622-2 du Code du travail, le médecin serait à la fois chargé de la surveillance des travailleurs, d’assurer la surveillance de leurs états de santé, de participer à une veille sanitaire dans l’entreprise mais s’y ajoute une nouvelle mission : aider l’employeur dans la gestion des risques (2°). Derrière ce renforcement des missions, les syndicats dénoncent une « confusion des genres » qui risque notamment d’accroitre la responsabilité des médecins dans la détection des risques et ainsi, atténuer la responsabilité de l’employeur.
Une meilleure indépendance :
Pour attirer les futurs médecins, les sénateurs ont ajouté quelques éléments pour leur assurer une parfaite indépendance (L.4623-8). De plus, l’article L.1237-15 leur exclu la possibilité de recourir à une rupture conventionnelle et leur accorde un statut protecteur en cas de rupture de leur contrat (autorisation de l’inspecteur du travail). A contrario, l’indépendance est mise à mal par la création d’un contrat d’objectif par l’article L. 4622-10, conclu entre le service, d'une part, l'autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d'autre part, après avis des organisations d'employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé). Ainsi, cette protection est à relativiser et notamment par rapport aux objectifs suivants.
Une approche pluridisciplinaire :
La proposition de loi instaure, selon l’article L.4622-8, des équipes pluridisciplinaires autour du médecin du travail, composées notamment « d’intervenant en prévention des risques professionnels » et d’infirmiers, qui n’auront pas, à l’inverse du médecin du travail, « ni protection légale ni protection statutaire » vis-à -vis de l’employeur.
Une relation étroite avec l’employeur :
L’employeur dans cette proposition de loi est au cœur du fonctionnement même du service de santé au travail (SST). Il semble alors reprendre un rôle central, notamment en termes de prise de conscience et de responsabilité. Mais rien n’est moins sûr. D’une part, l’employeur semble nommer de nombreux acteurs pour se déresponsabiliser. Il peut choisir, selon L.4644-1 un ou plusieurs salariés compétents pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise, qui suivront une formation en matière de santé au travail. Il y a aussi la mise en place d’un service de santé au travail interentreprises administré paritairement. L’employeur nomme aussi le directeur du service de santé au travail. Ce dernier s’occupant ainsi de la mise en œuvre du contrat d’objectif. D’autre part, le principe posé par cette proposition en cas d’égalité des voix dans le conseil d’administration du service de santé, est celui de la voix prépondérante du président, qui est lui aussi choisi par l’employeur.
D’où une certaine hostilité des syndicats qui voient là une mise à mal de l’indépendance des médecins du travail, subordonnés à l’employeur et la non réalisation de l’objectif d’attirer de nouveaux candidats au poste de médecin du travail. Reste à voir quelle sera la position de l’Assemblée Nationale à ce sujet.
Article rédigé par Mlle. Mourot pour Information-juridique.com