Avant le 1er mars 2010, le Conseil constitutionnel – qui devait se prononcer sur la conformité d’une loi à la Constitution -  ne pouvait être saisi que par le Président de la République, le Premier Ministre, les Présidents des deux assemblées, ou soixante députés ou soixante sénateurs (article 61, Constitution de 1958). Ce contrôle devait impérativement se faire a priori, c’est-à -dire avant la promulgation de la loi.
Depuis cette date (entrée en vigueur de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008), un nouvel article, l’article 61-1, est inséré à la Constitution française, instituant une procédure de contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées portant atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Tout justiciable peut désormais saisir le Conseil d'État ou la Cour de cassation (en fonction de la nature du litige) afin de faire reconnaître l’inconstitutionnalité d’une loi qu’on tente de lui appliquer, en posant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La saisine du Conseil constitutionnel se fait par voie d’exception, sur renvoi d’une de ces deux juridictions devant laquelle la requête a été présentée.
C’est dans ce nouveau contexte procédural que le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil d'État d’une QPC posée par Mlle Danielle S. Cette question concerne la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de huit articles du code de la santé publique relatifs à l'hospitalisation sans consentement en général et à l'hospitalisation à la demande d'un tiers en particulier (HDT).
En ce qui concerne les conditions de l’admission :
Ce sont les articles L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4 du Code de la santé publique qui en fixent les conditions :
Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement, à la demande d'un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. En outre, diverses conditions de procédure sont posées : la demande d'admission doit être présentée par un membre de la famille du malade ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt, et accompagnée de deux certificats médicaux, un nouveau certificat médical constatant l’état mental de la personne et confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir l’hospitalisation sur demande d’un tiers dans les vingt-quatre heures suivant l’admission.
Ces dispositions ont été jugées conformes à la Constitution. La Haute juridiction a considéré que, par l’édiction de ces règles, « le législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédure propres à assurer que l’hospitalisation sans consentement, à la demande d’un tiers, ne soit mise en œuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade ».
En ce qui concerne le maintien de l’hospitalisation :
L'article L. 3212-7 du code de la santé publique prévoit  que « dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil (qui) établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies ». L’hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d’un mois, éventuellement renouvelable.
Le Conseil constitutionnel a rappelé les exigences découlant de l'article 66 de la Constitution selon lesquelles la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible.
En prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, l’article L. 3212-7 méconnaît les exigences de l'article 66 et est donc déclaré contraire à la Constitution.
Selon la requérante :
-les conditions dans lesquelles les hospitalisations sans consentement sont mises en œuvre méconnaissent la dignité de la personne ;
-qu’en ne reconnaissant pas à ces personnes le droit de téléphoner et le droit de refuser un traitement, l’article L. 3211-3 du code de la santé publique porte une atteinte inconstitutionnelle aux droits et libertés ;
-qu’enfin le droit de ces malades à un recours juridictionnel ne serait pas effectif compte tenu de la lenteur des procédures, de l’absence d’information effective de ces personnes sur leurs droits et de la dualité des compétences des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire.
La décision du Conseil constitutionnel fait apparaître que ces trois principes, droits et libertés ne sont pas, par eux-mêmes, contraire à la Constitution.
Ces dispositions restrictives à l’exercice des libertés d’une personne hospitalisée sans son consentement ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'exercice de droits constitutionnellement garantis.
Les dispositions législatives veillent bien à ce qu’une conciliation non disproportionnée entre la protection de la santé et la protection de l’ordre public, d’une part, et la liberté personnelle (protégée par l’article 2 de la Déclaration de 1789), d’autre part, soit assurée.
Enfin, le Conseil constitutionnel constate que la législation reconnaît à toute personne hospitalisée sans son consentement ou toute personne intéressée le droit de saisir à tout moment le président du tribunal de grande instance pour qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement. La Haute juridiction formule cependant une réserve pour que le juge judiciaire soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d'information complémentaire sur l’état de la personne hospitalisée.
En conclusion, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L. 3212-7 du CSP, concernant le maintien de l’hospitalisation, et a fixé au 1er août 2011 la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité afin de permettre au législateur d'y remédier.
Article rédigé par Mlle. Deghaye pour Information-juridique.com