La servitude est définie par l’article 637 du Code civil comme une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire.
Quelques observations d’ensemble de la notion même de servitude s’imposent avant toute étude plus précise.
Ainsi, à première vue, la servitude serait un droit pour un propriétaire sur un autre pour pouvoir jouir utilement de son fonds (il est exclusivement question des immeubles donc). En fait, il faut garder à l’esprit que la servitude est attachée au fonds du propriétaire et que ce dernier ne fait qu’exprimer le droit de son fonds, appelé fonds dominant, sur un autre fonds, appelé fonds servant. C’est pourquoi en cas d’aliénation de l’un ou l’autre fonds, la servitude n’est pas conservée par l’ancien propriétaire mais continue de servir ou de peser sur le fonds en question.
La servitude n’impose jamais d’obligation de faire au propriétaire du fonds servant, elle peut l’obliger à subir l’action du propriétaire du fonds dominant (servitude affirmative, laisser passer son voisin par exemple) ou l’empêcher d’utiliser son droit de propriété dans sa totalité (servitude négative, ne pas construire par exemple).
En outre, la servitude n’a pour but que l’utilité du fonds. Elle sert simplement à permettre au propriétaire de pouvoir l’utiliser dans des conditions « normales ». C’est pourquoi son objet ne pourra jamais être un droit personnel pour le propriétaire (chasser, promener…) mais restera réel, attaché à la chose.
A cet égard, précisons que l’utilité peut être privée (pour l’usage d’un fonds par un particulier) ou publique (au service du domaine public).
Enfin, il convient de préciser que les servitudes peuvent être établies de trois manières pour le Code civil mais pouvant être ramenées à deux catégories : celles établies par la loi (du fait de la configuration des lieux ou purement légales) et celles établies par le fait de l’homme (par convention par exemple).
Le droit de passage est une servitude et est régi par les articles 582 à 585-1 du Code civil. Il conviendra d’étudier la notion même de droit de passage (I), avant d’en étudier son régime(II).
Le droit de passage permet au propriétaire du fonds dominant de « passer » sur le fonds servant de manière à rejoindre sa propriété dans les meilleures conditions. Il lui permet, dans l’autre sens, de pouvoir en sortir.
LA loi ne prend alors en compte que l’intérêt du propriétaire du fonds dominant dans la mesure où ce droit ne fait qu’altérer la propriété du fonds servant.
Ainsi, au regard des critères définis plus haut, le droit de passage est une servitude d’utilité privée puisqu’elle permet l’accès au fonds pour un particulier.
C’est une servitude affirmative car le propriétaire du fonds servant doit subir l’activité (le passage) du propriétaire du fonds dominant.
Enfin, c’est une servitude établie par la loi, bien que les propriétaires en questions puissent en modifier les modalités par convention
La loi impose que le propriétaire du fonds dominant ait un fonds enclavé pour qu’il puisse bénéficier du droit de passage. Ainsi, le propriétaire ne doit avoir sur la voie publique aucune issue ou une issue limitée.
Il est intéressant de relever à cet égard que la loi n’impose pas une impossibilité. Si l’accès au fonds est possible, mais qu’il n’est pas adéquat, trop long, trop périlleux… un droit de passage peu être réclamé de manière à avoir un accès le plus court possible à la voie publique.
La seule prise en considération du fonds servant réside en ce que la loi impose que le passage se fasse à l’endroit le moins dommageable pour celui-ci.
Bien sûr, lorsque l’impossibilité ou la limitation de l’accès cesse, les conditions légales n’étant plus remplies, le droit de passage s’éteint automatiquement.
Dans ce cas, la loi impose en priorité que le droit de passage s’exerce sur les fonds qui sont issus de la division et n’autorise que subsidiairement le droit de passage sur un fonds tiers à l’opération (un fonds voisin du fonds initial divisé par la suite).
La desserte du fonds dominant sera effectuée par le trajet définis soit par les propriétaires en causes, soit par le juge en cas de désaccord.
La complétude de la desserte peut aller de soi pour une personne lambda rejoignant son habitation avec sa voiture personnelle.
Ceci dit, il faut garder à l’esprit que le droit de passage peut être accordé à une entreprise, une exploitation et la complétude engendre un droit de passage adapté aux besoins de ces propriétaires.
C’est alors que la précision légale selon laquelle le droit de passage doit se faire avec le moins de dommage possible pour le fonds servant prend tout son sens mais aussi et surtout l’indemnité qui est due par le propriétaire du fonds dominant du fait de ce droit de passage.
Malgré l’obligation légale de causer le moins de dommage possibles, il est clair qu’un droit de passage peut engendrer des conséquences dommageables quelles que soient ses modalités. A la différence de la servitude de vue par exemple, le droit de passage n’apporte rien au fonds servant (le régime de la servitude de vue lui permet un accès à la lumière).
C’est pourquoi la loi a prévu que le propriétaire du fonds dominant, en cas de dommage causé au fonds servant était tenu de verser une indemnité au propriétaire du fonds servant.
Cette indemnité est librement déterminée par les propriétaires en question et, en cas de désaccord, c’est le juge qui en fixera les modalités (montant, paiement en capital, paiement échelonné…).
Attention à la prescription pour réclamer le paiement de cette indemnité. Elle est de 30 ans à compter du non paiement.
La servitude de passage est donc un exemple d’asservissement pur d’un fonds à un autre. C’est pourquoi la loi a prévu une indemnité pour réparer artificiellement le préjudice subit par le propriétaire du fonds servant.
Nous préciserons que l’ensemble de ces dispositions peuvent être contournées par l’accord des propriétaires sur des modalités de passage qu’ils pourraient juger plus à propos entre leurs fonds. IL est évident que c’est un acte grave dans la mesure où cette servitude demeurera attachée aux fonds par la suite et pour les propriétaires futurs. C’est pourquoi, notamment, cet accord doit faire l’objet d’une publicité à la conservation des hypothèques.
Par Florian Medico intervenant pour Information-juridique.com