Droit : La prohibition du Clonage humain

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La question du clonage humain offre une occasion pour réfléchir à l'élaboration d'une éthique commune qui préparerait, à l'échelle mondiale, le passage de l'éthique au droit. Par sa complexité même, le débat sur le clonage humain (reproductif ou non reproductif) peut nourrir la réflexion sur les voies et moyens d'une mondialisation non seulement économique mais aussi, résolument « humaniste ».

Les arguments tendant à l’interdiction du clonage

La question éthique se réfère au processus d'humanisation, c'est-à-dire à la construction symbolique qui sépare l'homme des autres espèces vivantes. De ce fait, Il est judicieux sinon nécessaire, de distinguer deux techniques très différentes: le clonage reproductif et le clonage non reproductif, dit thérapeutique.

Il faut tenir compte des enjeux scientifiques et économiques, donc à la fois de la dynamique créée par l'esprit de compétition et des risques liés aux inégalités sociales. Une recherche comparative sur le clonage humain parue en 2004,  avait créé la surprise en révélant qu'un pays déjà surpeuplé comme la Chine s'intéressait au clonage humain, y compris au clonage reproductif. Après réflexion, la surprise laissa sa place au sentiment de l’évidence tant le clonage peut constituer un moyen d'affirmer la qualité de la recherche scientifique et de conquérir un marché potentiel considérable.

Il reste que les représentations qui conditionnent et encadrent les processus d'humanisation varient selon les cultures et les croyances. Plusieurs politiques chinois ont ainsi expliqué qu'ils n'éprouvaient pas les mêmes difficultés qu'en Occident à admettre le clonage humain, n'adhérant pas à la croyance de la création de l'homme par intervention divine.

L’incertitude quant au clonage non reproductif

En pratique, malgré l'objectif d'intérêt commun, les Etats restent divisés à propos du clonage non reproductif, domaine où la compétition scientifique et les pressions économiques sont les plus fortes. Certes le Groupe européen d'éthique des sciences de la vie et des nouvelles technologies propose de limiter la brevetabilité des cellules souches aux véritables inventions comportant modification par rapport à l'état naturel; il prévoit également l'obligation pour le titulaire du brevet d'accorder une licence d'exploitation lorsque certains intérêts publics, parmi lesquels la santé, sont en jeu ; enfin il recommande, si le clonage dit thérapeutique devait se développer, un examen éthique spécifique de la question de l'accès à de justes soins.

Mais, s'agissant des cellules souches embryonnaires, les Etats sont divisés sur l'interprétation à donner à la directive européenne du 6 juillet 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologies qui exclut les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public, et notamment « des procédés de clonage des êtres humains ».

La prohibition du clonage reproductif

En revanche un consensus de la communauté internationale semble se dessiner en faveur de l'interdiction du clonage reproductif humain. Dès 1997, la Déclaration de l'UNESCO sur le génome humain et les droits de l'homme, témoignait d'une réprobation à l'échelle mondiale. Peu après (en 1998), le protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe sur Les droits de l'homme et la biomédecine posait explicitement le principe de l'interdiction de ce type de pratiques.

Même limité au clonage reproductif, ce consensus est pourtant plus apparent que réel car les textes internationaux se contentent de poser l'interdiction sans en punir la transgression et les rares projets nationaux qui prévoient de punir le clonage humain ne peuvent à eux seuls régler un tel problème, à l'heure de la globalisation scientifique et économique. D'où la seconde question, incontournable, celle de l'efficacité.

L’évolution du clonage humain

A la différence de l'interdit moral, l'interdiction juridique n'a de sens que si les transgressions sont sanctionnées. Que l'on soit conduit à réglementer le clonage non reproductif pour éviter les risques de dérives, ou à interdire le clonage reproductif au nom de l'humanité, la difficulté est que les recherches sont largement mondialisées alors que les systèmes de droit restent inscrits pour l'essentiel dans une stricte identité du droit à l'Etat.

Quant au clonage non reproductif, la division est telle que l'unification juridique semble exclue. En revanche on pourrait tenter d'harmoniser les droits nationaux autour de valeurs communes (vie privée, égalité, non-discrimination, droit à la santé). Sans imposer une législation uniforme, de tels principes pourraient, par exemple, exclure un monopole trop large englobant inventions futures et hypothétiques, qui risque d'engendrer à terme un blocage de la recherche ; ou encadrer les prix, pour ne pas réserver les techniques de soins ou les produits brevetés à une partie seulement de la population.

Quant au clonage reproductif, s'il y a consensus pour l'interdire, il ne suffira pas d'exclure la brevetabilité pour assurer l'efficacité de l'interdiction. D'où la nécessité de sanctions pénales au cas de transgression de l'interdiction du clonage reproductif. La création de tribunaux pénaux internationaux ad hoc (1993 pour l'ex-Yougoslavie et 1994 pour le Rwanda), puis d'une Cour pénale internationale (convention de Rome, 1998, entrée en vigueur en 2002), entrouvre une voie pour les crimes internationaux définis comme crimes contre l'humanité. Il serait concevable d'étendre la définition du crime contre l'humanité aux pratiques de clonage reproductif.

Le souci d'efficacité devrait sans doute inciter à étendre la responsabilité pénale aux personnes morales. Et la mise en cause des Etats qui organisent ou tolèrent de telles pratiques devrait être rendue possible en application d'un protocole additionnel aux pactes de l'ONU sur les droits de l'homme.

Ainsi la question « faut-il interdire le clonage humain ? » offre-t-elle une excellente occasion pour réfléchir à l'élaboration d'une éthique commune qui préparerait, à l'échelle mondiale, le passage de l'éthique au droit.

En incitant à se garder de deux illusions - l'illusion souverainiste face à la mondialisation des pratiques et l'illusion d'une autonomie éthique face aux enjeux économiques -, l'exemple du clonage humain démontre la nécessité d'un dispositif juridique mondial, mais à géométrie variable : unifié pour interdire le clonage reproductif et harmonisé pour réglementer le clonage non reproductif. L'objectif devrait être de le rendre opposable aux forces politiques et économiques, c'est-à-dire aux Etats et aux entreprises transnationales. Un tel objectif supposerait une coordination entre les droits fondamentaux (ONU), y compris en matière de santé (OMS), et les règles applicables au commerce (OMC) et à la propriété intellectuelle (OMPI).



Article sur le Droit de la santé publi� le 15/06/2009.



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